La question se pose depuis des années
Michel Therrien: Doit-on abattre les jeunes cerfs mâles encore plus longtemps?
Les chasseurs constatent depuis des années que le fruit de leur chasse au cerf de Virginie (chevreuil) n’est plus ce qu’elle était il y a vingt ans: la bête se fait de plus en plus rare et c’est par le biais d’associations et de leur façade sur les réseaux sociaux que l’on constate leur inquiétude face à l’avenir de cette chasse, dans le passé, un fleuron des Hautes-Laurentides. Surtout que l’orignal est de plus en plus dans la mire des chasseurs.
L’info a joint le chroniqueur Michel Therrien, natif de L’Annonciation, et bien connu à travers la province par ses interventions dans les grands médias nationaux, et sur le Web. Pour lui, aucun doute, le modèle de gestion actuel de Québec doit être revu. Le cerf n’étant plus au rendez-vous, les chasseurs, les trappeurs, les gestionnaires et même des propriétaires de pourvoiries lèvent la main depuis trop longtemps. Il soutient qu’en plus d’une gestion à revoir, les coupes forestières douteuses et les gros hivers pèsent lourd sur le cheptel, notamment des zones 10 et 11. Le chevreuil se fait rare. Alors que faire?
Michel Therrien croit que les biologistes ont un défi à relever, car il y a des enjeux de cohabitation, économiques et de satisfaction à offrir aux chasseurs.
« On doit mettre des restrictions sur la taille légale des bois. Présentement, un mâle d’un an et demi peut être récolté. Si le chevreuil a sept centimètres de taille de bois, il peut être prélevé. La pression des chasseurs est plus conservatrice que le gouvernement. Ils disent qu’il y a un débalancement, qu’il n’y a pas assez de mâles pour les femelles et que si l’on veut un cheptel équilibré, ça prend un bon ratio. »
Il souligne que les mâles sont polygames, mais par leur rareté, ils ne sont pas tous capables de bien procéder à l’accouplement. Comme il y a moins de mâles expérimentés de forte taille dans la nature, ils peuvent moins échapper aux prédateurs et donner une belle génétique. Michel Therrien observe ainsi que les hypothèses des chasseurs, dont celle de laisser les mâles grandir, c’est protéger l’espèce.
Cette rareté du chevreuil et le désir de protéger l’espèce fait que plusieurs chasseurs se tournent vers l’orignal.
Dans les années 1998-99, selon Michel Therrien, il se vendait environ 126 000 permis de chasse à l’orignal au Québec contre 171 200 en 2007-2008. Il est l’animal chouchou des chasseurs. Pourtant, il y a des décennies, l’orignal relevait d’expéditions de chasse coûteuses, tandis que de nombreuses autos étaient stationnées au bord de la 117, leurs propriétaires à la chasse au chevreuil. « Et tu vois, en 2019-2020, il s’est vendu 126 315 permis de chasse au chevreuil. C’est la première fois en plus de 30 ans que ça baisse sous les 130 000. » Et la baisse se poursuit, selon Michel Therrien.
Ce qui lui fait dire que leur expérience client comme chasseur n’est plus concluante et que l’expérience gratifiante n’y est plus, puisque le gibier est moins présent.
Les chasseurs de cerf de Virginie demandent depuis un certain temps une révision du modèle de gestion de cette chasse qui est de moins en moins populaire, selon la vente des permis de chasse. Que dit le ministère de la Faune à ce sujet, que fait-il pour sauver le cerf?
Selon les réponses du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), transmises par Caroline Bujold, conseillère en communication, par la voix de son biologiste André Dumont, il est encore un peu trop tôt pour connaître les statistiques de chasse de 2020, les données étant en cours de compilation, d’analyse ainsi que de comparaison avec les données des dernières années.
Le MFFP ne cache pas que le cheptel, du moins pour les mâles qui le composent, vit une certaine diminution. Toutefois, cela n’inquiète pas le ministère. « Soulignons notamment que nous mesurons actuellement un excellent taux de gestation des femelles. Nos populations de cerfs régionales montrent les mêmes variations que l’ensemble des populations de cerfs des provinces et états du Nord-Est américain là où, comme ici, l’hiver module les populations des cerfs », explique Mme Bujold.
Elle ajoute que les équipes du MFFP ont effectué des inventaires aériens des populations de cerfs de la zone 11 en 2017 et des zones 10 Est et 10 Ouest en 2014. « À l’aide des différents indicateurs annuels de suivi des populations de cerfs, nous sommes en mesure d’estimer que la population de cerfs avant la période de chasse 2020 de la zone 11 était composée de 1600 mâles et 6400 femelles adultes tandis que la population de la zone 10 avant la période de chasse 2020 était composée de 6600 mâles adultes et 26 500 femelles adultes. Soulignons que la population de ces deux zones contient actuellement une bonne cohorte de faons nés en 2020 et qu’il est à espérer que l’hiver qui s’amorce soit doux et permette un bon taux de survie. »
Une décision prise bientôt
Malgré tout, face à l’inquiétude des chasseurs des zones 10 et 11 devant la diminution de la population de cerfs mâles, le MFFP ne devrait-il pas diminuer leur récolte pour quelques années afin de rétablir cette diminution? Le MFFP répond que le projet d’expérimentation sur la restriction de la taille légale des bois (RTLB), sur 5 ans, se poursuit et se termine cette année.
« Une RTLB est un outil de gestion des populations de cerfs qui soustrait les jeunes mâles à la chasse. L’objectif de cette modalité est de donner à ceux-ci le temps de développer leur masse corporelle et leurs bois pour favoriser l’expérience de chasse des chasseurs. Une RTLB limitant la chasse aux cerfs mâles adultes possédant au moins trois pointes de plus de 2,5 cm d’un côté du panache est en vigueur depuis 2017 dans les zones de chasse 6 nord et 6 sud, un territoire de plus de 4000 km<@Re>2<@$p> situé majoritairement en Estrie. La zone 7 sud, dans le Centre-du-Québec, sert de zone de comparaison. »
Le ministère attendra les résultats du projet avant de statuer sur la mise en place à grande échelle du projet au Québec. Soulignons que les RTLB chez le cerf sont expérimentées aux États-Unis, mais pas à grande échelle au Canada, « où les conditions hivernales influencent grandement la dynamique des populations », lit-on dans un courriel envoyé à L’info.
Une RTLB « a le potentiel de modifier diverses caractéristiques des populations de cerfs (structure d’âge, densité, rapport des sexes…). Ces changements ne sont mesurables qu’après plusieurs années d’application, particulièrement dans le contexte climatique du Québec où un hiver très rigoureux (comme celui de 2019) peut influencer grandement les variables étudiées. »
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