425 enfants en attente d’un service spécialisé en orthophonie dans les Laurentides

Publié le 14 juillet 2021 par Véronique Piché

Publié par

Véronique Piché

Journaliste | vpiche@inmedias.ca

Les délais d’attente pour des services publics en orthophonie s’étirent. Des enfants de la région en paient le prix.

Quand on doit attendre 529 jours pour recevoir des services en orthophonie dans le secteur public.

« C’est plate. C’est un p’tit gars qui ne sait pas s’exprimer, alors que lui, il veut être un enfant normal », résume Cynthia Gamache, mère d’un enfant que le système semble avoir oublié sur l’accotement. Tony a sept ans, et il vient de terminer sa 1re année du primaire, non sans mal car il s’exprime grâce à des pictogrammes. Son incapacité à parler provoque chez lui une grande frustration, parfois même une détresse. À la maison, Tony crie beaucoup. Énormément.

Tony et sa mère Cynthia Gamache. Autiste et personne malentendante, le garçon ne reçoit pas les services en orthophonie dont il a besoin pour apprendre à s’exprimer. Les listes d’attente au public explosent dans la région. (Photo gracieuseté)

Dans son cartable, Tony porte l’évaluation de ses besoins en orthophonie, mais aussi un diagnostic de troubles du spectre de l’autisme (TSA). En plus, raconte Cynthia Gamache, on vient de découvrir que son ouïe est déficiente. Avec un tel profil, difficile de trouver à quelle porte frapper.

L’an dernier, avant que le couperet de la pandémie ne tombe, elle a tenté le tout pour le tout pour que son fils apprenne à s’exprimer. Et si la solution était au privé? Elle a organisé une campagne de sociofinancement. L’info du Nord préparait un article sur ce sujet quand tout a déraillé, du jour au lendemain, en raison de la COVID-19.

« J’ai lâché prise, parce que je suis découragée. Je sais que d’autres parents sont pris comme moi, sans services d’orthophonie. »

-Cynthia Gamache, mère d’un enfant avec des besoins en orthophonie.

Les listes d’attente en orthophonie explosent dans la région. Selon les données fournies par le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides, en date du 7 juin 2021 dans la MRC des Laurentides, 54 enfants âgés de 6 à 12 ans étaient en attente de services spécialisés d’orthophonie. Et le délai d’attente est évalué à 529 jours. Pour les 13 enfants âgés de 0 à 5 ans, le délai est de 352 jours. (Voir encadré)

« En temps normal, le délai d’attente pour les services spécifiques est de cinq à six mois », indique le CISSS des Laurentides.

En attente de services

Stéphane Lalonde est orthophoniste, président du CA du Centre d’actions sociales en orthophonie (CASO) et représentant régional des Laurentides à l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes du Québec (AQOA). Il note un décalage entre ces chiffres et la réalité. Selon lui, les gestionnaires ne mentent pas, mais ils jouent avec les données. Et des enfants en attente de services, il y en aurait beaucoup plus.

« Mais je ne veux pas entrer dans une guerre de chiffres, dit-il, parce qu’il faut s’entendre sur le plus important, et c’est que ces enfants dont on tient compte ne représentent que ceux qui ont été dépistés: il y en a plusieurs autres. »

Selon l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ), dans la province, près d’un enfant sur 10 à l’âge de 5 ans présente un trouble du langage. À 12 ans, 7,5 % de ceux-ci conservent une problématique persistante sur le plan du langage. Pourtant, « pris de façon précoce, c’est impressionnant ce qu’on peut faire: on peut minimiser et même éliminer des situations de handicap », souligne Stéphane Lalonde. Encore faut-il allouer des ressources pour s’attaquer à ce problème, concède-t-il.

Attractivité des postes

Stéphane Lalonde dénonce le manque d’attractivité des postes d’orthophonistes créés dans le réseau public. « Qui veut travailler deux jours et demi par semaine? », questionne-t-il. Il soutient que venir à bout de ces listes d’attentes bondées avec des postes à temps partiel est illusoire.

« Un plan pour réduire les délais d’attente est en place et se concrétisera par l’embauche de ressources humaines à partir du mois de septembre », indique le CISSS des Laurentides. Aucun autre détail n’a été transmis quant à ce plan.

En attendant, des enfants comme Tony ne reçoivent pas les services d’orthophonie dont ils ont besoin. Et pour certains, cela fait des années qu’ils poireautent. Des années précieuses quand on veut seulement s’exprimer.

État des listes d’attente en service spécialisé d’orthophonie au public

Les services spécialisés s’adressent à une clientèle qui a des difficultés langagières significatives et persistantes.

MRC des Laurentides