Fermeture du plus vieux commerce de Rivière-Rouge / L’Annonciation

« Beaucoup de clients étaient fidèles, mais pas assez de clients pour tenir le commerce ouvert. De plus, je devais respecter le bail avec le propriétaire. Ça ne marchait plus vraiment depuis deux ans », a-t-il confié, avant de remercier sa clientèle.

M. Patry a donc vendu ses appareils, ceux qu’il utilisait pour préparer ses succulents et généreux pâtés au poulet, ses brioches, ses pets-de-sœur, et plus encore.

Cette fermeture, qui date d’il y a quelques semaines, marque, pour l’instant du moins, la fin commerciale de ce bâtiment, qui a longtemps abrité la boulangerie Gauvreau. Que de souvenirs greffés à ces pains, brioches et tant d’autres plaisirs pour le palais.

Une boulangerie qui aura fait des heureux des décennies durant

Le bâtiment, comme on le voit aujourd’hui, n’avait pas si fière allure quand Ovila Gauvreau en ouvrit les portes aux citoyens en 1899. Comme ce fut le cas jusque dans le dernier quart du 20e siècle, on pouvait le voir fabriquer les pains, avec son frère et plus tard avec son fils Alcide pendant de longues décennies.

Quand Ovila Gauvreau est arrivé à L’Annonciation, il amenait de Saint-Sauveur sa deuxième épouse Rosalie Pilon, avec qui il était fraîchement marié, et ses enfants Oliva, Camille, Albert, Alcide, Lucille, Cécile, Georgette et Jeannette. Ils sont considérés comme étant du premier groupe de colons du village (celui arrivé entre 1880 et 1903). Les Gauvreau étaient une famille de boulanger, les frères d’Ovila ouvriront des commerces à Mont-Laurier comme à Saint-Sauveur.

Le pain de ménage cuit par les frères Gauvreau est précédé par celui des boulangers Gédéas Paquette et Félix Filiatrault. La farine à cette époque coûtait environ 5¢ la livre. En 1954, la production des Gauvreau est de 52 000 pains (faits à la main) qu’ils écoulent par vente directe à la boulangerie et à domicile, dans le village et dans le Canton Marchand. On ne faisait déjà plus de pain à la maison, il faut croire.

Ovila Gauvreau, comme plusieurs de la famille après lui, s’implique dans la politique du village et du Canton Marchand. Il est élu marguiller (conseiller) à la paroisse de L’Annonciation le 25 décembre 1913 et sera maire du Canton Marchand de 1934 à 1951, ayant pour secrétaire son fils Albert.

Alphonse Landry, un autre boulanger aux produits appréciés, ouvrira son commerce en 1950 et d’autres après, mais les Gauvreau seront toujours là, solides comme des meubles en chêne.

Soit dit en passant, le propriétaire du bâtiment, Daniel Servante, qui habite ce bâtiment, n’entend pas le laisser aller. Il y prendra soin comme la prunelle de ses yeux.

Les souvenirs foisonnent

Qui, dans les 55 ans et plus, n’a pas goûté au pain rond ou fesse des Gauvreau, souvent achetés puis dévorés par des élèves sur l’heure du dîner? La Société d’histoire de Rivière-Rouge, ayant tout récemment mis en ligne une photo de la boulangerie pour souligner la fermeture de la biscuiterie au même endroit, a permis de récolter bon nombre de souvenirs. En voici quelques-uns.

« Quand on passait après l’école, ils nous donnaient des petits pains chauds », « J’ai travaillé là dans les années 70 avec mon frère Michel, Alcide et son frère Albert Gauvreau étaient là. Les touristes venaient acheter du pain à la douzaine pour rapporter à Montréal », « Oui, cette boulangerie était spéciale », « Les brioches de madame Dionne… un pur délice », « Je me souviens d’y avoir été avec ma classe de 1970 en 1re année. Notre enseignante nous avait amenés voir le boulanger. Ça sentait le bon pain », et enfin, Pierrette Dionne, une mémoire de L’Annonciation, qui souligne qu’elle est née dans ce vénérable bâtiment.