La crise dérange et inquiète
Dans cette période où le confinement est obligé, solitude et détresse sont le lot des femmes et des enfants qui vivent la violence conjugale. L’Info a discuté avec Roxane Prenovost de la Passe-R-Elle, pour savoir quels impacts avait la crise sur l’organisme.
Est-ce que la réalité du confinement change beaucoup de choses pour votre organisme?
Oui, quand on accueille de nouvelles personnes, on doit leur demander la quarantaine de 14 jours et on a dû réaménager les différentes parties de notre maison afin que salle de bain, chambre, salle de séjour, soient adaptées en zones sécuritaires et plus privées. Il faut s’assurer que personne n’a de symptômes. On leur demande de ne pas sortir et d’éviter les déplacements. À date ça va bien. On explique la situation et les personnes sont libres de venir ou non.
Avez-vous constaté une augmentation des cas de violence conjugale?
On reçoit un volume élevé d’appels, mais pas vraiment plus qu’à l’habitude. Au début, c’était même plus tranquille et ça nous inquiétait. Ça nous inquiète encore. On sait que se présentent moins de chances de demander de l’aide à cause de la présence constante du conjoint et par le fait de ne plus aller au travail ou à l’école. Les moments de répit ou les possibilités de se confier sont plus rares, moins faciles. On sait aussi que les facteurs de risques sont augmentés avec le stress de la situation actuelle, les mises à pied et les possibilités que la violence s’accentue sont grandes. On encourage donc les femmes qui craignent pour leur sécurité, d’appeler d’abord les policiers, si une petite fenêtre s’ouvre pour elles leur permettant de le faire. Maintenant, on doit aller à l’épicerie seul. Ce serait peut-être une occasion.
Avez-vous reçu de l’aide gouvernementale? Si oui, comment l’avez-vous utilisée?
Oui, au Québec, il y a 2,5 M$ qui ont été accordés pour l’aide aux femmes et aux enfants victimes de violence conjugale. La région a reçu une portion de ce montant qui a servi à mettre en place une maison alternative, la Halte, pour les cinq maisons d’hébergement des Laurentides. Comme on ne peut plus accueillir plusieurs personnes à la fois dû au confinement, c’est vers cet endroit qu’on peut diriger certaines personnes. Tout y a été aménagé et une agence de sécurité sera sur place en permanence. L’ensemble du montant reçu a presque tout été utilisé pour ça, donc on en est à faire d’autres demandes financières. Le gouvernement a annoncé un nouveau programme et si on obtient des sous, ils seront investis, cette fois, de façon plus locale.
Comment avez-vous adapté votre offre de services?
C’est beaucoup le lieu que nous avons adapté. Les horaires ont été modifiés pour qu’il n’y ait jamais trop de monde en même temps et permettre le respect du deux mètres. Énormément de tâches ont été ajoutées à nos intervenantes, comme la désinfection et la préparation de l’alimentation pour les personnes en confinement. On a tout fait pour que ce soit le plus sécuritaire possible. L’hébergement reste ouvert. On fait aussi des rencontres téléphoniques, mais on a suspendu celles face à face ou de groupe.
Vous attendez-vous à beaucoup de répercussions une fois la crise terminée?
On est assez inquiète quand on y pense, parce qu’on prévoit vraiment une très forte augmentation des demandes. On croit que quand les activités vont reprendre et que les conjoints vont sortir de la maison, il va y avoir une reprise des services assez massive. Avec la mise en place de la nouvelle maison dans les Laurentides, nos efforts ont été concentrés là, mais maintenant, on est dans l’analyse de ce qui s’en vient et encore beaucoup dans la gestion de la crise actuelle.
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